L'article est intéressant mais manque de documentation sur le sujet à mon sens, il ne rentre jamais vraiment dans les détails. Car un revenu universel, c'est un bon débat, mais son intérêt va dépendre de comment c'est fait. Le fait que la mesure plaise bien aux libéraux est un bon indice pour dire qu'il faut s'en méfier, et bien s'intéresser au sujet pour flairer les potentielles embrouilles.
Une façon évoquée de financer ce projet était le remplacement des minimas sociaux. Et là c'est dangereux, en fonction de jusqu'où on va, car l'aide de l'état ne sera plus personnalisée afin d'aider d'avantage ceux qui en ont le plus besoin : t'auras ton revenu universel, et tu te démerdes avec.
Si c'est fait avec une optique de redistribution des richesses, là je suis clairement pour - ça devrait même être une nécessité.
Un autre soucis que je vois à ce revenu universel (en fonction de comment c'est fait bien sûr), c'est les conséquences sur les employeurs. Je gage que si un tel système était instauré, beaucoup de patrons diminueraient le salaire des nouveaux embauchés. Bah ouais, c'est bon, t'as déjà des sous de l'état pour vivre, je peux me permettre de te payer moins !
C'est pour ça qu'à mon sens, un tel revenu ne peut pas se faire sans une refonte complète de la société. Ce n'est qu'une rustine à coller sur notre système capitaliste pour arranger tout le monde.
En fait, et je vois que la discussion a très vite tourné à la valeur travail, et c'est bien là qu'est tout le débat. Seb a dit plus haut : "Et d'abord qu'appelle t'on travail. Le gars qui cultive ses legumes dans son jardin, est ce du travail?"
Je suis totalement d'accord avec ça, et il faut absolument détacher le travail de l'emploi pour prendre ce débat du bon pied. L'emploi, le salariat, c'est le travail
légitimé par quelques personnes, et dans le discours majoritaire, c'est l'unique forme de travail.
Alors que c'est complètement faux ! Cultiver ses légumes, tout comme jouer de la musique chez soi, ou juste cuisiner pour ses proches, c'est du travail. Mais ce n'est pas un travail mercantile.
Si on commençait à penser avec ce détachement, on pourrait envisager une autre forme de revenu, qui n'irait pas sans revoir la société en profondeur comme je le disais. En alliant ça avec un principe de redistribution des richesses.
Prenons le cas de la culture des légumes. Quand c'est ton métier, que tu es agriculteur, tu es payé pour le faire. Mais quand tu le fais chez toi, pas du tout. Alors que c'est exactement la même tâche, aberrant nan ?
Je me suis alors beaucoup intéressé à un bonhomme qui s'appelle Bernard Friot, et qui propose une solution très stimulante intellectuellement, qu'il appelle "le salaire à vie".
Il appelle ça "salaire à vie", ce qui est de prime abord paradoxal car il est opposé à ce lien systématiquement fait entre travail et salariat. Mais de prime abord seulement, car ce qu'il propose est un revenu inconditionnel, versé à chaque individu, comme un salaire mais lié cette fois-ci non plus à l'emploi, mais au travail de l'individu. Donc aussi bien son travail en tant employé que son travail à titre personnel (faire la cuisine, le ménage, faire de la musique, cultiver ses légumes, ...).
La différence principale avec le revenu universel, c'est qu'il ne le pense en tant que complément du salaire, mais en remplacement. Et c'est là que ça devient intéressant !
Pour résumer en deux mots, il veut étendre le principe de la sécurité sociale à tous les domaines. Les patrons ne paieraient plus le travailleur mais verseraient des cotisations à des caisses spéciales (bien évidemment publiques), qui s'occuperaient ensuite de verser de façons inconditionnelle les "salaires" à la population, et ce qu'ils travaillent ou non pour une entreprise. Ça serait tout simplement une suppression de la notion de salaire, via son étatisation.
Les deux grands avantages c'est que d'une part, la pression à l'emploi n'existant plus, chaque individu pourrait faire réellement ce qu'il lui plaît, comme être bénévole dans une association, ou travailler dans un domaine trop précaire pour qu'il se lance dedans dans notre système actuel.
Pour à la fois répondre à ce qui était dit plus haut sur le "mauvais exemple donné aux enfants" et anticiper la remarque, je ne pense pas que les gens aient vraiment envie de rien foutre. Les "assistés" comme on les appelle souvent, n'ont pas envie de rien branler sur leurs canaps, ils ont envie de faire autre chose. Un tel salaire à vie leur permettrait d'accéder à cet autre chose, débarrassés de la pression sociale et du chantage à l'emploi.
Et d'autre part, le second avantage que je vois, c'est également la fin de l'actionnariat et des inégalités. Les "salaires" étant versés par l'état, la liberté n'est plus à l'employeur de verser ses dividendes aux vrais parasites de la société (les actionnaires donc). Friot propose également de créer une caisse de cotisation publique pour le versement des salaires, et une autre pour l'investissement des entreprises. On étatise tout, tout est public, on noie la concurrence, la course à la rentabilité et les inégalités ! Fini aussi l'échelle de domination au sein de la hiérarchie, un patron se retrouvant au même niveau que les travailleurs de son entreprise. Bien sûr, on peut garder la hiérarchie organisationnelle afin d'avoir des personnes coordinant des équipes, mais de facto la pression qui s'exerce actuellement entre chaque échelon de cette hiérarchie n'aurait plus lieu d'être.
(Bien sûr, c'est plus vite dit que fait. Mais c'est en ce sens que je disais qu'un revenu universel ne serait jamais pleinement efficace sans une réflexion sur notre société et une refonte de celle-ci.)
Désolé pour le pavé, je me suis emporté.
Je ne sais pas si j'ai été très clair, mais pour les curieux il existe tout un paquet d'informations sur internet sur le sujet. Notamment une courte vidéo (
https://www.youtube.com/watch?v=cjL1MuE5wpI) qui explique en 10 minutes le principe du salaire à vie. Le youtubeur Usul a aussi fait une vidéo plus complète sur le sujet, questionnant là encore beaucoup la valeur travail.