L'article dans Ouest France recopié
Mouez Breiz, premier label de disques en Bretagne
En 1950, un disquaire de Quimper a fondé Mouez Breiz, le premier éditeur de disques en Bretagne. Gilles Kermarc retrace cette épopée dans un ouvrage.
Récit
Trois cents enregistrements entre 1950 et 1976. 1 600 titres sur vinyles et cassettes. « Mouez Breiz, c’est la première maison de disques installée en Bretagne, souligne Gilles Kermarc, journaliste et auteur de Mouez Breiz, l’invention du disque breton. L’ironie de l’histoire veut que l’aventure s’achève en pleine vague post-Stivell. »
C’est Hermann Wolf, qui s’occupe de la sono d’événements locaux, de la kermesse aux Fêtes de Cornouaille, qui va avoir l’idée de lancer le disque breton. Né à Quimper en 1904, d’un père facteur d’orgue, Quimpérois d’adoption aux origines suisses. Les Wolf ont leur magasin de musique et instruments, place Saint-Corentin, avant de vendre des disques, jusqu’en 1991, rue Astor, près des halles. « En 1948-1950, le tourisme est relancé, précise Gilles Kermarc. Les gens de passage veulent conserver un souvenir sonore, un disque. »
Passionné par le son, Hermann Wolf a investi dans les systèmes d’enregistrement. « Au début des années 1950, il est l’un des premiers à se procurer un magnétophone à bandes. »
Des poids lourds de la scène bretonne
En 1951, Hermann Wolf se lance dans l’édition de disques sous l’étiquette Mouez Breiz (La voix de la Bretagne). Le premier disque est de Loeiz Ropars, sonneur de bombarde, accompagné au binioù par François Bodivit. Des sonneurs de tradition donc, mais aussi de la nouvelle génération comme Polig Monjarret, Youenn Gwernig, Dorig Le Voyer, deux chanteuses, Zaïg Montjarret, Éliane Pronost, des bagadoù, des chorales…
Pour Gilles Kermarc, un disque sort du lot : « Celui de la Scola Cantorum del Coro de San Sebastian. Ce chœur chante en basque trois chansons bretonnes : Tuchant e arriuo an hañv, An teir seien et Kabiten Sant Malo. »
Entre 1950 et 1959, Wolf publie cent trente disques, des 78 et 45 tours. Les années suivantes, ce sont les 33 tours qui sont les plus nombreux. « Si Herman Wolf enregistre des futurs poids lourds de la scène bretonne, dont le futur Alan Stivell, sous son nom de Cochevelou, Andrea Ar Gouilh et Eliane Pronost, la collection fait aussi une place aux compositions de Jeff Le Penven ou se consacre à un genre encore rare en disque, le kan ha diskan, chant à répondre du Centre-Bretagne. »
Le plus gros carton de la maison Wolf est l’œuvre de Robert Perrin, chanteur de formation classique, qui enregistre des chansons de Théodore Botrel. L’auteur de La Paimpolaise, Ma p’tite Mimi et Fleur de blé noir est populaire. Les touristes veulent rentrer chez eux avec un souvenir, comme une carte postale musicale.
En 1976, il est désormais facile d’acheter des disques dans les supermarchés, les enregistrements évoluent aussi. Sans studio, capté sur le terrain, le son souffre parfois. L’orgue couvre les chants, « parfois on entendait même le bruit d’un camion qui passait devant la cathédrale ». Stivell est enregistré dans la cuisine des Wolf…
Des témoignages musicaux et vocaux. Des témoignages musicaux et vocaux
La voix de la Bretagne s’éteint petit à petit. En laissant des témoignages musicaux et vocaux historiques. Et aussi de belles pochettes. Sur les 45 tours, une frise celtique signée Polig Montjarret, la signature graphique d’un label avant l’heure ! « Trois illustrateurs vont marquer les pochettes : René-Yves Creston, Mikel Chaussepied, Moarch Eveno. »
Et aujourd’hui, que reste-t-il des années Wolf ? L’an passé, le trio Cadoret-Pointard-Stéphan s’est inspiré du catalogue Mouez Breiz. À Quimper, il est étudié au conservatoire de musique. Et puis, il y a toujours des passionnés pour en parler, comme Gilles Kermarc.
Jean-Marc PINSON.
Mouez Breiz, l’invention du disque breton, de Gilles Kermarc. Dastum Bro-Dreger, diffusé par Coop Breizh, 100 pages, 25 €. Vendu avec un 45 tours.
La photo étant pratiquement la même que celle du Télégramme
